Dircom de la Communauté d’Agglomération Annemasse-Agglo, Jean-Marc Borredon pilote avec son équipe un véritable écosystème digital. Principal atout de ces nouveaux outils selon ce professionnel de la communication ; permettre d’avoir un feedback de la population sur les actions de sa collectivité.

Par Isabelle Gazania

Beaucoup de collectivités considèrent encore les réseaux sociaux comme une mode mais pour votre Communauté d’Agglo, leur utilisation est stratégique. Ils permettraient même d’améliorer la relation entre la collectivité et les citoyens…

Ce qui est certain, c’est qu’en dix ans, le monde a changé radicalement ; la communication numérique a émergé face au print, présentant l’immense avantage de nous apporter un feedback de la population par rapport à nos publications. Lorsque nos concitoyens réagissent, nous avons un retour sur ce que les gens pensent même si les détracteurs du numérique prétendent que seuls les mécontents s’expriment, et qu’ils ne sont donc pas représentatifs. Or, non seulement il n’y a pas que des commentaires négatifs, mais en plus, l’objectif n’est pas la recherche de la représentativité.
Sur nos réseaux sociaux, on a des gens qui likent, partagent et s’engagent à relayer la parole publique et ce que l’on cherche, c’est qu’ils forment une caisse de résonance. Qu’ils se fassent les relais et les ambassadeurs quand ils ont un ressenti positif de nos actions. Lorsqu’au contraire, ils sont en désaccord, mieux vaut qu’ils s’expriment sur nos supports qu’ailleurs. Il n’y a rien de pire que voir les actions de sa collectivité critiquées sur les pages Facebook ou les blogs de citoyens dont on n’a pas la maîtrise. S’ils sont bien gérés, les réseaux sociaux sont un formidable outil de dialogue et de relais. Ils prennent le pouls de la population et tout en sachant il faut parfois prendre parfois la distance nécessaire avec ce « battement de cœur ».

Mais parfois, il y a beaucoup de ressenti de la part des internautes…

Quelquefois en effet, ce qui émerge, c’est beaucoup de colère, de haine, de ressentiment. Tant mieux, car cela, on peut le canaliser. En général, les internautes râlent, s’emportent, et puis ça s’arrange. Une anecdote à ce sujet : lorsque nous avons fait apposer une vignette sur le pare-brise de nos concitoyens pour accéder à la déchèterie, les gens ont pesté parce que l’on changeait leurs habitudes. Nous avons répondu à tous leurs commentaires sur notre page Facebook et ça s’est calmé. Les réseaux sociaux sont là aussi pour ça ; dire les choses. Mieux vaut une colère exprimée qu’une colère rentrée.

Vous nous parliez de retour positif également…

Oui, tout à fait, et il y en a beaucoup. Par exemple, nous avons partagé une vidéo sur la voie verte du grand Genève. Elle a généré plus de 20 000 vues avec like, partages, bravos. C’est un vrai feed back sur la qualité de notre communication. Il y a très peu d’autres moyens pour mesurer cela, à part lorsque l’on organise un évènement. Et puis, sur Facebook, si nos publications génèrent peu d’engagement, on peut retravailler la communication ; les réseaux sociaux sont donc un véritable outil d’évaluation. Et ça permet de tester des visuels de surcroît !


Certains maires sont sur Facebook tout en demandant à leur Community manger de limiter le dialogue, et donc, les possibilités d’interaction. Qu’est ce que cela vous inspire ?

Eh bien je pense que ces élus n’ont pas compris que Facebook est un media social. Cela ne sert à rien d’y être dans ce cas. Le but c’est de susciter de l’engagement et de former une caisse de résonance, pas de publier des informations qui ne susciteront aucune réaction. C’est une perte de temps et en plus, cela occasionne un manque de visibilité.

On le sait, les circuits de validation des informations sont souvent complexes au sein de collectivités, comment parvenez-vous néanmoins à assurer une certaine spontanéité ?

C’est un véritable projet d’aller sur les réseaux sociaux. Avant de se décider, il faut être certain qu’on connait son objectif, le définir, puis le faire valider par les décideurs. L’objectif peut être par exemple d’être davantage en lien avec la population, de susciter du dialogue. Il faut ensuite prendre des gardes fous. D’abord une charte de modération interne qui définit ce que l’on peut publier, ce que l’on doit faire valider (une info technique, sensible, etc.). Nous avons beaucoup de chance à la Communauté d’Agglo où nous sommes très autonomes car les élus nous font confiance, mais c’est aussi parce que nous sommes des professionnels de la communication et que l’on sait ce que l’on fait. Deuxième garde-fou : une charte publique de modération validée en amont et qui dit ce qui peut être publié par les internautes et comment les gens peuvent interagir.

Les gens ont un pouvoir d’expression qu’il faut accepter. On peut en faire une force.

Je pense aussi qu’il faut oser ; certains communicants se verrouillent eux-mêmes, s’auto-censurent dans leur gestion des réseaux sociaux. Les contenus y sont éphémères ; on peut donc expérimenter des contenus, des réponses, sans prendre trop de risques. Et même faire de l’humour, à l’instar de certaines grandes marques. Par ailleurs, aux communicants des collectivités qui se plaignent de ne pas jouir de suffisamment d’autonomie, je dirais que c’est à eux de prouver qu’ils sont en capacité de gérer leur communication digitale.

Quelles sont les clés selon vous pour créer un sentiment d’appartenance et d’attachement à la collectivité via les réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux ont permis aux collectivités de faire se rencontrer l’offre et la demande sans passer par la presse ou d’autre intermédiaire. Ces nouveaux médias permettent d’instaurer un dialogue entre l’émetteur (la collectivité) et les publics cibles. La clé est de parvenir à créer un discours cohérent adapté au média sur lequel on s’exprimer (Facebook, LinkedIn, Twitter, Instagram, etc.), qui crée comme une musique de fond. Si la collectivité est identifiée auprès des internautes comme l’interlocuteur privilégié pour parler des sujets de fond qui les touchent, si elle parvient à leur apporter des infos pertinentes et à forte valeur d’usage, si en plus elle répond à leurs sollicitations, c’est très valorisant. Nous n’avons pas le même statut que les journalistes mais nous apportons nous aussi de la crédibilité à l’information. Parfois, les réseaux sociaux ressemblent un peu au café du commerce, c’est vrai. Certains internautes critiquent l’action de la collectivité mais c’est parfois à juste titre. Les gens ont un pouvoir d’expression qu’il faut accepter. On peut en faire une force.