La mode militera-t-elle un jour pour la diversité? C’est en tout cas un beau rêve que caressent d’aucuns depuis les derniers signaux envoyés par la planète mode. Dernier en date : Maria Borges, nouvelle égérie L’Oréal. Mais que de chemin encore à parcourir !
Il y a eu l’élection de Miss France coiffée de ses cheveux naturels et non disciplinés par un fer à lisser. Avant elle, Liya Kebede faisait la couverture du Vogue français. Anecdotique diront certains. Révélateurs d’une ouverture diront les autres. Entre les deux, notre cœur balance.
Car il est vrai qu’en matière de diversité, si les choses bougent, l’histoire semble faire du surplace, quand ce n’est pas machine arrière. N’a-t-on pas le sentiment de l’entendre bégayer lorsque Gala célèbre Jourdan Dunn, premier mannequin noir à la une de Vogue depuis Naomi Campbell en… 1988! (1)
« C’est avec une immense joie que Jourdan Dunn, top-modèle britannique et égérie Burberry, a partagé sur Instagram la couverture du numéro de février 2015 de l’édition anglaise de Vogue dont elle est le visage. Il s’agit du premier mannequin noir à avoir cet honneur en solo depuis 2002. » écrit Gala pour l’occasion. Un « honneur » (passons sur l’expression qui donne le sentiment que la belle devrait faire la révérence pour partager le même privilège que ces consœurs blanches…) qu’a déjà eu, le 27 août 1967… Naomi Ruth Simselle qui entre dans l’histoire de la mode comme la première femme afro à faire la couverture du Fashion of Times, le supplément mode de The New York Times.
Par la suite, elle fait la couverture de Life ainsi que d’autres magazines tels que McCall’s, Essence et Cosmopolitan. Comment expliquer qu’après 50 ans, le fait qu’une noire en couverture d’un magazine soit toujours un évènement ? Notons tout de même une différence entre Jourdan Dunn et Maria Borges. Quand la première pose avec un carré wavy blond au vent, Maria Borges porte ses cheveux au naturel. Afro !
C’est loin de suffire. Quel manque d’empressement montre en effet encore la presse française à solliciter des mannequins non blanches pour des Unes de magazine. « Où sont les mannequins noires? » titrait il y a quatre ans déjà Slate.fr, qui rappelle que le scandale provoqué en mars dernier par le magazine Numéro, qui avait peint une mannequin blanche en noir pour un éditorial de mode intitulé «African Queen», a d’ailleurs déjà été oublié.
Interviewée par The Guardian, Jourdan Dunn déclarait: “Les personnes qui contrôlent cette industrie (NDLR : de la mode) disent que les visages noirs en couverture des magazines ne vendent pas, mais il n’y a aucune preuve….” C’est étrangement du pays du Soleil Levant souvent présenté comme réfractaire au multiculturalisme qu’est venu un signe fort. Dans son édition de février 2016, le célèbre magazine met en lumière, sous la direction de Giampaolo Sgura, des mannequins noires ou asiatiques. Signe d’espoir ; ce sont toutes des mannequins qui montent. Cela suffira-t-il à renverser la tendance ?
(1) Naomi Campbell, la « tigresse » comme l’appellent encore nombre de médias, quand ce n’est pas la panthère, fut la première mannequin noire à faire la couverture de Vogue Paris en 1988.
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