Réinventer l’école, la formation et l’apprentissage du XXIème siècle et les adapter au numérique permettra de
donner à chacun les conditions matérielles et culturelles de son projet d’autonomie professionnelle et d’émancipation personnelle.
Godefroy de Bentzmann
Président, Syntec Numérique
Un développement des usages peut-il déboucher sur l’acquisition d’une culture numérique ? Et quelles réalités recouvre cette notion brandie parfois à bout de bras et à tout propos?
Mon intérêt pour la culture numérique remonte à l’aune des années 2000. Je travaillais alors sur la numérisation des connaissances scientifiques en me demandant si elle avait amené une rupture des usages ou au contraire avait assuré une continuité. Internet peut il faciliter la médiation des savoirs me demandais-je dans le cadre d’un travail d’études menées en parallèle avec mon activité de journaliste.
Aujourd’hui consultante et formatrice pour les agents territoriaux, je constate la grande richesse de leurs plateformes de contenu, mais, on le sait, la propagation de l’information n’a rien à voir avec la communication, comme le rappelle avec juste raison D. Wolton dans Informer n’est pas communiquer (CNRS éditions). De la même façon, la quantité d’informations transmises par Internet n’assure en rien une meilleure compréhension. De la même façon, elle ne garantit pas un égal accès à la connaissance.
Dans la partie de mon mémoire consacrée à la dimension sociale de l’interaction TIC/Diffusion des connaissances de mon mémoire, je prévenais en outre contre le risque de parler trop rapidement de culture technique mais aujourd’hui, 13 ans plus tard, n’est-ce pas justement vers cette nécessaire acquisition d’une culture numérique qu’il faut tendre, celle-là même dont on parle dans le domaine de la formation et qui doit elle-même précéder l’acquisition des techniques ? Et Michel Guillou d’écrire : « Est-il normal de continuer à s’appesantir autant sur les outils ou les technologies, les Tice, alors que le problème, c’est l’acquisition d’une culture intégrée du numérique ? » La culture numérique recouvrant, au-delà des différents usages des nouveaux outils, les connaissances sur l’évolution de la société face au numérique (nouveaux services numériques territoriaux, citoyenneté numérique…)
L’idée n’est pas de souscrire à l’idéologie numérique ; le concept selon lequel le numérique bouleverse tout, qu’il est la solution miracle qui résoudra tous les maux actuels n’est pas la nôtre. D’abord parce que, comme l’écrit Eric Dacheux : « il n’y pas que le numérique qui prétend tout changer : toutes les technologies, de l’électricité à la pilule en passant par les nanotechnologies ou le nucléaire peuvent prétendre avoir « révolutionné le monde ». »
Ensuite parce qu’il est bien plus intéressant et pertinent de travailler à l’acculturation et la sensibilisation des collaborateurs d’une entreprise ou d’une collectivité au digital. Il s’agit d’abord d’informer les collaborateurs de ce qu’il est possible de faire grâce aux outils numériques ; les former à leur utilisation; les sensibiliser aux enjeux qui naissent avec le numérique. L’acquisition de cette culture n’est en rien, selon les termes de École de Palo Alto, une « prédiction auto réalisatrice » c’est-à-dire une prédiction qui se réalise uniquement par le fait qu’on la prédise, mais un vrai projet inscrit au cœur du changement.
Aujourd’hui, on assiste à une course effrénée aux outils digitaux: or, aussi bien conçus soient-ils, ces derniers ne suffisent pas à inculquer les nouveaux usages.
Pour que les collaborateurs de l’organisation adhèrent et adoptent le plan de transformation, il est important de les placer au cœur de la démarche de changement. Celle-ci passe inévitablement par une étape d’information et de formation.